Son quart de travail finalement terminé, Shigeko ferma le restaurant en soupirant. Elle n’était étrangement pas d’humeur, peut-être l’hiver qui la déprimait… Ce n’était pas vraiment important, mais il était clair qu’elle devait décompresser. Son patron le lui avait suggérer en lui disant qu’elle pourrait peut-être prendre une journée de congé, ce qu’elle refusa bien évidemment. La serveuse avait un petit côté fier qui l’empêchait complètement de montrer une quelconque faiblesse. Son employeur lui rappela quand même que l’offre serait toujours là si elle en sentait le besoin. La jeune femme décida finalement d’aller prendre un verre après le travail, question de décontracter justement. Néanmoins, elle devait aller se changer parce que son habit de travail n’avait rien de vraiment charmant pour se promener dans un lieu public autre que dans le restaurant où elle travaillait. Retournant donc à son appartement, elle se changea rapidement, troquant son uniforme pour une robe courte, mais pas trop, ainsi qu’une veste.

C’était nettement plus joli et en plus, elle n’aurait pas honte de se promener comme ça. Shigeko coiffa ses cheveux en une couette ce qui lui donnait un air plus sérieux qu’elle n’avait pas habituellement. Il fallait dire qu’avec 24 ans, elle n’était certainement pas la plus jeune, ni la plus vieille d’ailleurs, des habitués du bar où elle comptait aller. Le bar était près de chez elle, donc il n’y avait pas de risque d’accident si elle conduisait, puisqu’elle ne le ferait pas. Elle n’avait jamais vraiment aimé l’alcool, mais elle devait avouer que ça détendait. Il y avait au moins ce côté-là… Soupirant à nouveau lorsqu’elle arriva devant l’endroit en question, la jeune femme parla un instant au videur avant qu’il ne lui ouvre la porte. Ça faisait un bon moment qu’elle ne se faisait plus carter, peut-être parce qu’elle avait l’air plus vieille que son âge…

La raison n’était pas bien importante en fait. D’un pas assuré, elle se dirigea vers le comptoir où elle commanda un shooter de vodka question d’assommer une partie de sa conscience. Conscience qui lui rappelait en ce moment même que ce n’était pas digne de sa personne de fréquenter un tel endroit. Heureusement, elle n’était pas une habituée et donc les gens ne la connaissaient pas. En quoi c’était vraiment positif ? Eh bien c’était nettement plus simple de refuser de donner son numéro à quelqu’un qui ne l’intéressait pas complètement ou pas du tout. Après avoir calé son premier verre, la demoiselle commanda un martini qu’elle pourrait siroter en paix, même s’il fallait avouer qu’elle n’avait pas la meilleure résistance au niveau de l’alcool donc elle devrait faire très attention.

Alors qu’elle était tranquillement assise en train de boire son verre de martini, oubliant complètement la modération qu’elle s’était elle-même suggérée, un type quelconque vint l’aborder avec le traditionnel discours des dragueurs de bas niveau. Comme à son habitude, Shigeko le repoussa avec un semblant d’indifférence. Il était vrai qu’il était mignon, mais il n’était pas question de lui donner son numéro. Comme n’importe quel idiot, il ne se gêna pas pour continuer même si elle le repoussait. C’était exactement pour cela qu’elle n’avait pas eu de relation stable depuis Hiroto. D’ailleurs il pourrait peut-être venir l’aider avec ce type vraiment trop collant ? Cherchant rapidement son numéro sur son téléphone, ignorant de ce fait le gars qui envahissait vraiment sa bulle en ce moment, elle n’eut pas de réponse et se résigna donc à le repousser elle-même.

« Tu ne m’intéresse pas alors tu pourrais me lâcher ? »

Ce n’était pas nécessairement une bonne idée de parler de cette façon à un type qui semblait vraiment vouloir aller plus loin, mais Shigeko le poussa légèrement pour aller vers l’entrée pour chercher un bon samaritain qui voudrait bien l’aider, de plus que le martini commençait à faire son effet. Décidément, elle n’était vraiment pas tolérante pour l’alcool et ça posait vraiment une tonne de problème ;w;

L’atmosphère dans le bar était assez agréable si ce n’était du type et du mal de tête qui se pointait. Bon il fallait qu’elle agisse normalement et qu’elle paraisse maîtresse d’elle-même. Facile à dire, mais vu la situation c’était vraiment plus difficile que prévu. Le type semblait l’avoir lâché pour le moment, mais Shigeko doutait fortement qu’il ait vraiment abandonné. Il avait peut-être oublié que dans la tête d’un homme normalement constitué avec un esprit un peu pervers et de l’alcool en plus que non voulait dire oui et que dégage voulait dire prends-moi. C’était probablement bien comme ça et elle n’avait pas envie qu’il s’en rappelle. C’est exactement pour cela qu’elle se dirigea vers la sortie avec la ferme intention de partir, mais elle fonça en moins de deux sur un type quelconque. Du moins c’était ce qu’elle était en train de se dire lorsqu’elle leva le regard pour tomber né à né avec nul autre que Yamamoto Keiji. Bon elle avait voulu un bon samaritain, mais il n’était pas vraiment sa définition de ce mot. La jeune femme esquissa un sourire lorsqu’il la poussa légèrement vers l’arrière en la saluant, enfin si on pouvait voir les choses de cette façon. Elle pouffa légèrement en entendant ce qu’il disait. Généralement c’était signe qu’elle n’était pas nécessairement dans son état normal.

« Keiji-kun… Je n’aurais jamais cru dire ça un jour, mais c’est fou à quel point je suis contente de te voir. »

Arquant légèrement un sourcil à sa question, elle remarqua qu’effectivement elle se dirigeait vers la sortie. Ah, bien sur elle voulait s’en aller au départ. La donne avait complètement changé à l’arrivée de Keiji non ? Parce que bon c’était le type qui l’avait énervé et maintenant qu’elle avait quelqu’un pour l’aider. Bon c’était un détail que ce genre jeune homme ne savait pas et que c’était bien comme ça. Enfin, il serait peut-être temps de lui répondre puisqu’il allait penser que c’était vraiment lui qui la faisait fuir. On va dire qu’on y croit sinon ça pourrait nous apporter des problèmes, mais bon.

« Non, en fait… Tu veux quelque chose à boire ? »

Parce que c’est certainement en lui proposant à boire qu’elle allait aider sa situation. Ce n’était certainement pas parce qu’elle commençait vraiment à avoir besoin de boire quelque chose d’autre, non c’était plutôt pour montrer à l’autre type… Montrer quoi en fait ? Elle n’affirmerait pas à l’autre idiot qu’elle sortait avec Keiji parce que bon ce n’était pas le cas et ça serait vraiment trop bizarre. De toute façon ce n’était pas comme s’il y avait quelqu’un d’assez idiot pour provoquer Keiji ? Oui, bon il y avait elle-même, mais il faisait la même chose alors… Tout ce qu’elle voulait c’était une couverture et il était parfait dans ce rôle, tant qu’il ne le savait pas en fait.

Bref, jugeant que ce n’était pas très important de mentionner qu’elle avait déjà bu deux verres et que c’était amplement suffisant pour elle, Shigeko décida d’entrainer Keiji jusqu’au bar. Logiquement il était là pour s’amuser. Ça l’étonnait légèrement qu’il ait laissé Shota aux soins d’une baby-sitter, parce que bon c’était ce qu’il devait avoir fait non ? À vrai dire, elle était tout simplement étonnée par le changement qu’il y avait eu en lui depuis l’arrivée du bébé, signe qu’il était mieux qu’elle pensait à la base. Bon revenons-en à l’idée de base de la jeune femme. Si elle voulait que l’autre type la laisse tranquille, elle devait se montrer avec Keiji. C’est pour cela qu’elle prit son ami par la main et le tira gentiment vers le comptoir.

En fait, Keiji avait beaucoup de chance, si elle n’avait pas bu d’alcool, elle l’aurait probablement envoyé promener en allant vers la sortie. Bien sur, il était maintenant son ami, mais quand elle n’était pas d’humeur c’était tout le monde qui y passait. Bref, prenant place sur un banc près du comptoir, elle l’invita à faire de même avec un sourire trop charmant. Vraiment elle était aussi subtile qu’un éléphant dans une partie de cache-cache. Si Keiji ne se posait pas de question, c’était soit qu’il était très crédule ou bien qu’il… ne se doutait de rien. Jugeant qu’il serait quand même plus sympathique de faire un peu de conversation :

« Alors quoi de neuf dans ta vie d’universitaire ? Ça te plait Todai ? »

Ayant toujours voulu faire ses études là-bas, Shigeko ne pouvait pas s’empêcher d’être un peu jalouse de la chance qu’il avait. Elle l’aurait trouvé très probablement indigne d’y entrer avant qu’il trouve Shota, mais maintenant elle voyait bien que, dans un sens, c’était dans la logique des choses. Il était riche, il était donc impossible de penser qu’il aurait pu fréquenter une autre école. En même temps, elle n’arrivait tout simplement pas à l’imaginer en tant que grand patron d’une entreprise.

Malheureusement, Shigeko n’était que trop consciente de ce qu’elle faisait. C’était juste qu’elle n’était pas capable de ne pas le faire. Avec de la chance, elle ne se rappellerait plus de ce qui se passait en ce moment. Dire qu’elle était si contente de voir Keiji c’était une chose, mais lui dire c’en était toute une autre. Elle avait l’air de quoi maintenant ? Elle ne put s’empêcher de rougir en entendant ce qu’il disait. Bon cette soirée allait être amusante, mais elle sentait qu’elle allait le regretter. Elle se racla la gorge en détournant le regard. Elle n’avait aucun contrôle sur ce qu’elle disait puisque ça sortait si spontanément et de toute façon elle était consciente, mais son cerveau était légèrement flou donc elle n’avait pas une grande intelligence en ce moment.

« Détail, détail. »

Parce que chasser sa question en disant que ce n’était qu’un détail allait arranger ton problème ? Avec de la chance, elle réussirait à se contrôler pour ne pas trop faire de trucs idiots. Ne plus boire d’alcool lui permettrait surement d’éviter de s’humilier et c’est pour cela qu’elle imitait Keiji en prenant un martini. Ce n’était pas si fort que ça et puis, tant qu’elle prenait son temps pour le boire… Esquissant un sourire qui ne lui ressemblait pas du tout, Shigeko regarda le Golden Boy du coin de l’œil. Elle aurait bien demandé des nouvelles de Shota, mais dans un sens elle craignait qu’il décide d’aller le voir. Ça serait plutôt problématique puisqu’elle serait à la merci du type d’avant. Parce qu’évidemment si elle était sympa avec Keiji c’était uniquement pour ça.

Tentant de se convaincre même si ce n’était pas très efficace, elle pouffa légèrement en entendant sa réponse au sujet de Todai. Ce n’était même pas étonnant qu’il trouve les amphithéâtres bien. Retenant son sentiment de jalousie vis à vise Keiji ou plutôt la chance qu’il avait de pouvoir étudier là-bas, elle soupira et posa son regard sur son verre. Elle n’en avait pas encore bu et hésitait à le faire. Si elle laissait son organisme diminuer son niveau d’alcool elle serait surement moins étrange.

« Pourquoi est-ce que ça ne m’étonne pas de toi ? »

Contrairement à ce qu’elle aurait fait auparavant ou du moins lorsqu’elle était dans son état normal, Shigeko avait dit ça sur un ton plus sympathique et moins sarcastique. Elle ne savait pas exactement ce qui était arrivé exactement pour que Keiji change autant, mais elle n’allait surement pas s’en plaindre. Elle se retourna rapidement lorsqu’il lui retourna la question. Elle haussa légèrement les épaules sans vraiment savoir quoi répondre exactement.

« Mon patron dit que je me surcharge trop, il veut que je prenne une journée de congé, mais bon je n’ai pas grand-chose à faire de ma vie pendant une journée entière. Sinon c’est assez bien, les clients sont envahissants par moment, tu sais ce que c’est… »

Dire aussi franchement qu’on n’a pas de vie c’est assez nul, mais elle avait été franche dans sa réponse c’était déjà un excellent début bon. Toujours avec un sourire, elle ne résista pas plus longtemps à l’envie de prendre une gorgée de son martini. Elle avala difficilement en entendant ce que le jeune homme disait. Elle n’était pas malade, elle avait surement une très mauvaise capacité pour tenir de l’alcool. C’est plutôt le « ma Shigeko » qui la fit sourire. Il s’inquiétait vraiment pour elle ? Aussi étonnant que cela puisse paraitre, elle était vraiment contente de l’apprendre.

« Keiji-kun je vais très bien, je t’assure. Mais… ma Shigeko ? Tu ne prends pas trop tes rêves pour la réalité ? »

Content ? Elle l’avait provoqué uniquement pour lui faire plaisir alors il devrait s’en contenter. Elle commençait à avoir un peu plus de contrôle sur ce qu’elle disait, peut-être que l’alcool commençait à se faire filtrer ? Ce serait étonnant, mais on pouvait toujours rêver. Elle avait seulement à attendre un peu plus et tout serait correct de ce côté-là. Bon dire cela en ayant un verre de martini devant soit, c’était plutôt idiot, mais bon elle saurait se contrôler è-é !

« Alors comment va Shota ? »

Finalement, elle avait décidé de lui demander parce que bon elle adorait les gamins alors elle s’inquiétait vraiment de voir un bébé dans les mains de Keiji. Pas parce qu’elle ne lui faisait pas confiance, mais elle s’inquiétait vraiment de où il provenait. Elle ne voulait pas vraiment imaginer son ami comme étant un père, même s’il était vraiment mignon lorsqu’il s’occupait de Shota…